Faut-il sauver certaines machines ?

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Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Lun 12 Juil 2010 11:58

La haute-fidélité est faite, comme tout secteur de haute technologie, d'évolutions, d'inventions, de trouvailles, de modernité. Il n'en demeure pas moins que certaines machines ont marqués le domaine de la restitution musicale ou l'ont tout bonnement bouleversé. Certaines machines sont-elles à conserver, à faire vivre, à restaurer ? Ont-elles valeur de pièce de musée ou peuvent-elle encore apporter un réel plus aux installations modernes. La discussion est ouverte. Je propose que ce fil soit l'occasion de discuter et de présenter les éléments qui ont le plus touchés nos sensibilités d'audiophiles. A vos souvenirs et connaissances ! ;)
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Lun 12 Juil 2010 12:17

Pour ouvrir la discussion, j'aurais envie de proposer quelques productions de la marque Cello qui à l'époque était liée à Mark Levinson. Je considère que ces machines doivent vivre, être entretenues et restaurées. Chaque fois que j'ai l'occasion d'en réécouter l'une d'elle, je suis toujours séduit par leurs potentiel musical. J'écoute régulièrement les Amati qui me laissent toujours la même émotion de magie, d'ouverture et d'aération. L'audio suite, le Palette et les amplis encore, sont des machines incroyables. Il suffit de voir la fabrication d'un seul potentiomètre du palette pour s'en convaincre. Je pense sincèrement que ces productions sont toujours aptes a rendre la magie de la musique, aussi en étant associées à des machines modernes.

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L'audio Suite de Cello
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Les enceintes

Stradivari Master de Cello
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Et le fantastiques Amati que j'écoute encore régulièrement et dont l'ouverture et la transparence sont toujours impressionnantes.
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N'ayant pas de photos de ces machines, je me suis permis de présenter ici des liens venants d'images publiées sur le site suivant : http://www.marklev.com/cello/index.html
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Lun 12 Juil 2010 14:17

Encore une pièce qui a fait une apparition foudroyante dans le domaine de la haute-fidélité HDG mais qui me laisse un souvenir ému. L'ensemble ampli/pré-ampli Swiss Physics.

De très belles photos de ce matériel à cette adresse : http://home.planet.nl/~booga090/

Ces machines doivent avoir prêt de 20 ans, mais étaient, tant dans le fond que dans la forme tout à fait en avance sur leur temps. Dans mon souvenir, même sur des charges complexes, le Swiss Physics était à l'aise tout en gardant transparence, élégance et ouverture.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Egeswald le Lun 12 Juil 2010 15:45

Bonjour à tous,

Au risque de choquer certains, j'affirme que la "musicalité" n’est pas l’apanage des derniers modèles à la mode. Depuis le temps que les fabricants nous rebattent les oreilles avec leur progrès, d'après eux si important d'une série à sa remplaçante, nous devrions être depuis longtemps dans le plus que fidèle, le plus que musical, bref le plus que parfait ! En fait, la question de départ est sous-tendue par un postulat implicite : la musicalité progresserait avec la marche technologique. A mon avis, rien n'est moins sûr.

J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer que dans l’histoire pourtant assez brève de la haute fidélité, il y a un petit nombre d’appareils, amplificateurs, enceintes, tables de lecture etc, dont presque tous les connaisseurs s’accordent à reconnaître les qualités musicales exceptionnelles. Ces gens ne sont pas tous a priori snobs, sourds ou nostalgiques, mais des mélomanes dont l’expérience les a conduits à ce constat.

La musicalité des appareils "anciens" (30 ou 35 ans, tout est relatif) ne s'est pas évanouie avec les années ; ce qui a changé, c'est notre manière de la recevoir. La généralisation des procédés numériques, l’écoute du MP3, la sonorisation même de tant de concerts, y compris de musique classique, ont profondément modifié notre manière d’écouter, c’est incontestable. Il n’en reste pas moins qu’au-delà de ces contingences, je ne vois pas au nom de quoi un appareil réellement musical il y a 25 ans ne le serait plus, ou moins, aujourd’hui, sous réserve évidemment d’être en parfait état. J’ai même la faiblesse de penser que dans bien des cas, et en dépit de mesures souvent médiocres, ces appareils sont souvent plus satisfaisants à l’écoute que leurs contreparties modernes.

J’ai eu l’occasion d’écouter récemment un Pioneer 8500-II en état impeccable. J’ai été surpris, et en bien, par sa musicalité ; ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. Quant à la qualité de fabrication des engins de cette époque, elle enterre littéralement celle de la plupart des appareils actuels, dont bien peu à mon avis survivront en état de fonctionner dans 15 ou 20 ans. Il est également vrai qu’en valeur relative, ces appareils coûtaient beaucoup plus cher que leurs équivalents actuels et qu'aujourd'hui, une électronique McIntosh ou Marantz de la grande époque, en parfait état de présentation et remise en état si nécessaire (c'est-à-dire scrupuleusement restaurée, pas "améliorée" ou bidouillée de façon plus ou moins aléatoire) se négocie à un tarif équivalent à celui d'un Leben ou un Mactone neufs...

A plusieurs reprises, j'ai eu la possibilité d'écouter dans d'excellentes conditions de grandes électroniques à tubes parfaitement reconditionnées par un spécialiste, alimentant des enceintes du même calibre. Avec en source une Garrard 401 ou un Lector CDP-7, c'était proprement somptueux, je pèse le mot. Mais bien entendu, ne prenez mon avis que pour ce qu’il est : un avis personnel. Je n’ai ni vos oreilles ni votre sensibilité, et ce qui me plait ne vous séduira pas nécessairement.

Je crois qu'il faut aussi s'entendre sur le sens de l'expression "matériel vintage". Il ne suffit pas qu'un appareil soit un peu ancien pour qu'il s'agisse d'une irremplaçable merveille ; la plus grande partie des productions Thomson, Scientelec, Akaï et autres B&O des années 70 est aujourd'hui totalement oubliée et ce n'est guère surprenant.

Par contre, Les véritables références musicales (j'insiste sur ce terme) que sont les LS3/5a, LS5/9, BC1, BCIII, Quad 57 et 63, KEF 105, McIntosh C11, MC 225, MC 240, MC 275, Marantz Model 7, Model 8B, Model 9, Luxman L-560 etc sont encore aujourd'hui des références en matière de musicalité, à condition de ne pas avoir été "améliorés" sans discernement. Le progrès n'est pas un phénomène linéaire et n'est pas nécessairement quantifiable ; déjà en 1965/1970 la reproduction musicale avait atteint une certaine forme d'aboutissement. Mais de même que personne n'aurait l'idée de mettre des pneus de Formule 1 à une Bugatti, fut-elle de course, de même il n'est pas musicalement cohérent d'alimenter une enceinte de cette époque avec n'importe quelle électronique actuelle ; certaines associations pourront donner de très bons résultats (exemple : BC1 et Cochet ou Leben à tubes), la plupart seront décevantes. En revanche, ces mêmes BC1 avec un ensemble McIntosh de la grande époque vous transportent dans une autre dimension. Ah oui, évidemment, le prix peut être assez... comment dire... conséquent.

Tous ces appareils, dont le dénominateur commun est une très grande musicalité (qui échappe évidemment aux chiffres et aux mesures) et aussi, le plus souvent, une très belle qualité de fabrication, sont activement recherchés par des connaisseurs japonais, américains, européens aussi, et leur raréfaction ajoutée à ces recherches font monter les prix de manière très sensible. Un exemple : les LS 3/5a ont vu leur prix multiplié par presque 2 en 5 ans pour une paire en parfait état. La cote d'un véritable "vintage", c'est-à-dire d'un modèle recherché, dépend à la fois de sa rareté et de son état. Une paire de McIntosh MC 30 en parfait état de présentation et de fonctionnement tourne autour de 4500 euros par exemple ; c'est à la fois beaucoup et raisonnable si l'on considère la qualité de réalisation des appareils de ce genre, le temps passé pour les restaurer (je dis bien "restaurer" et non pas modifier) et la qualité de restitution obtenue.

Là où sans doute d'intéressantes découvertes sont encore à faire, c'est dans la frange pour le moment un peu moins défrichée des engins de conception et de fabrication plus industrielles mais néanmoins de qualité des années 80, soit les grandes années japonaises. Il y avait alors chez Luxman, Pioneer, Sansui, essentiellement en matière d'amplification, de très belles réalisations. Malheureusement, elles se sont vendues en Europe en petit nombre car elles étaient encore fort coûteuses et sont donc rares sur le marché de l'occasion. Par ailleurs, ces appareils font usage de références de transistors depuis longtemps hors production et sans véritables équivalences actuelles ; en conséquence, ces beaux appareils sont encore plus délicats à restaurer en cas de problème que leurs prédécesseurs à tubes. Il faut donc s'assurer lorsqu'on trouve un de ces engins qu'il n'a pas été "amélioré" et qu'il n'a subi aucun outrage électrique. Mais il est certain que ces amplis font encore forte impression aujourd'hui ; un Luxman L-560, ou dans un genre passablement différent, un Pionner SA 9500, sont de superbes bêtes qui peuvent encore donner des leçons de modestie à bien des productions "modernes".

Quant à l'intérêt musical de ces modèles "vintage", il est pour moi hors de doute. Lorsqu'ils sont en bon état, n'ont pas été "améliorés" (par exemple par changement des composants du filtre des enceintes pour des éléments actuels qui peuvent en détruire l'équilibre) et bien mis en oeuvre (merci de ne pas tirer de conclusion si vous les faites fonctionner avec un ampli home-cinema...), le résultat est magnifique : une paire de Rogers LS3/5a, en dépit de leurs limitations théoriques bien connues (rendement exécrable, bande passante limitée, puissance admissible ridicule), surtout des 15 ohms de numéros consécutifs inférieurs à 50000, peut être fabuleusement musicale, y compris sur de la musique "difficile" (piano, grand orchestre...). Idem pour des Spendor BC 1 ou BC III, des KEF 105 (de préférence Serie II), des Celestion SL6S ou mieux encore SL12, des Elipson 1303 déjà citées, des J.M. Reynaud Opéra...

Est-ce à dire qu'il suffit qu'une enceinte soit "vintage" pour qu'elle soit bonne ? Non évidemment ; mais précisément, si l'essentiel de la production, vintage ou pas, est destiné à sombrer dans un oubli fréquemment justifié, quelques références continuent à procurer d'inestimables satisfactions à leurs propriétaires et à en faire saliver d'autres. C'est que le temps a passé ; la perception de leurs qualités et défauts respectifs s'est décantée, l'attrait de la nouveauté, si passager, a fait place à une appréciation plus réfléchie, plus tournée vers la musique, moins vers les chiffres et les courbes. Ces modèles sont un peu à la haute fidélité ce que les Pesarinius, Amati et autres Klotz sont à la lutherie. Mais il faut se donner du mal pour en tirer le meilleur, trouver notamment les associations qui chanteront au mieux ; les amplis genre Quad, Leak ou McIntosh, sont tout indiqués avec des enceintes de la mêmepériode, parce que leurs concepteurs avaient peu ou prou la même approche de la reproduction musicale, appelons cela la même culture, au sens large, et qu'ils connaissaient mieux que tout les enceintes qui se faisaient au même moment.

Enfin, il est certain que l'écoute de presque tous les amateurs de haute fidélité a beaucoup évolué en 25 ou 30 ans. La plupart d'entre nous n'ont plus comme référence auditive que des musiques enregistrées, et le plus souvent des musiques électro-acoustiques, c'est-à-dire dont l'exécution elle-même passe par mélangeurs, amplificateurs et enceintes. Quelle est, dans ces conditions, la référence acoustique à laquelle comparer la restitution de nos installations ? Où finit la fidélité et où commence la distorsion, au sens de modification du phénomène reproduit ? Il ne s'agit là ni de critiques ni de regrets, mais de constatation qui explique, au moins en partie, une évolution (ce qui ne signifie pas progrès).

Conclusion : oui, il faut sauver ces appareils parce qu'ils sont encore aujourd'hui capables de fournir des émotions esthétiques d'ordre supérieur. Cela ne signifie évidemment pas que ce qui se fait actuellement est médiocre ou sans intérêt ; ils n'appartiennent pas vraiment au même monde. Et le nouveau monde n'est pas forcément meilleur que l'ancien ! Merci de m'avoir lu.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Lun 12 Juil 2010 16:44

Bonjour Egeswald et bienvenue à vous sur le forum.
Un tout grand merci pour votre intervention et la qualité de vos propos, qui justifient largement l'ouverture de cette échange. Comme vous le dite, à moins d'être sois même ingénieur en électronique, il est aussi difficile, voir parfois impossible, ou impayable de faire restaurer certaines machines. Nombres de composants ont disparu des catalogues pour diverses raisons (aussi écologique). Bien que je sois parfois étonné des composants trouvables via des médias comme ebay par exemple. Mais la nuance entre "réparation" et restauration est énorme. Avec un composant "x" ou "y" ou divers pontages ou associations de composants, la machine va s'allumer et fonctionner mais n'offrira souvent que l'ombre de ses performances et de son émotion initiales.

Certaines niches ont même tout à fait disparues du marché. Par exemple, les grandes Apogée Diva, dans la restitution d'une grande formation orchestrale restent des moments rares dans mes souvenirs d'écoute.

Sur toutes les musiques, un système bien équilibré sur base d'Infinity IRS Béta, va peut-être faire hurler certains à la "coloration", mais présentait une émotion énorme à l'auditeur.

Je suis également très sensible à l'aération et à la neutralité que propose des productions récentes dans le domaine, par exemple, des enceintes et c'est pourquoi mon propos va aussi vers les associations possibles entre machine "vintage" et récente. Tels des Cello Encore et des Wilson Audio Sacha ou Duette actuelles.

Mon système a d'ailleurs une connotation "vintage", dans la mesure où j'utilise, entre autre, des enceintes Spendor SP9/1, un Krell KSA-80 (que j'ai pu faire restaurer par quelqu'un de passionné) et un lecteur CD California Audio Labs Tempest 2 avec ses six tubes (qui est en cours de restauration). Justement, depuis quelques semaines, j'utilise un CD Electrocompaniet ECC1 dont j'aurai l'occasion de vous parler d'ici peu. Cette machine a une approche tout à fait différente de celle du Tempest, mais sa clarté, sa définition et sa neutralité sont aussi intéressant dans ma configuration.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Mar 13 Juil 2010 10:08

Avec des machines plus anciennes, le problème de la restauration se pose réellement. J'ai eu le cas avec mon Krell et avec mon lecteur California. Le fait de voir apparaître une et puis deux ou trois petites pannes est généralement le signal que tout une série de composants commencent à vieillir. Pour éviter des pannes à répétition, il est temps d'agir et de prévoir un travail de fond. A ce moment, se pose le problème de trouver le spécialiste qui va travailler en respectant la machine et son schéma d'origine, ceci comprenant aussi le fait de garder exactement les caractéristiques des composants.
Mais selon moi, cette difficulté n'est pas une raison pour ne pas faire vivre des machines anciennes. Ceci étant dit, je croise aussi des productions actuelles qui sont honnêtement pensées et offrent la possibilité de réaliser des ensembles musicaux. Nous sommes comme toujours face aux problèmes liés aux associations. Je pense même que certains transducteurs sont capables de révéler chez des électroniques plus anciennes des subtilités qui étaient inaccessibles aux enceintes "vintage".
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Egeswald le Mar 13 Juil 2010 15:36

Bonjour,

Il faut rester très prudent en matière de remise en état, si l'on souhaite respecter les caractéristiques d'origine, c'est-à-dire effectuer une véritable restauration.

En ce qui concerne les filtres d'enceintes par exemple, ou encore les capacités électrochimiques des alimentations, certains propriétaires de matériels "vintage" en dénaturent la restitution en voulant (trop) bien faire. Il est en effet assez aisé de remplacer, au nom du "progrès", les condensateurs et/ou les inductances utilisés dans ces filtres par des modèles actuels, réputés audiophiles. Mais une telle modification est moins anodine qu'il y parait ; les condensateurs mylar, polypropylène etc ont, à capacité équivalente, une résistance interne bien plus faible que les condensateurs utilisés il y a 20 ou 30 ans, notamment les condensateurs au papier huilé, par ailleurs de très grande qualité "musicale". Il en est exactement de même pour les inductances : remplacer les selfs à noyau des filtres Rogers par des modèles à air, insaturables, est en fait une mauvaise idée.

En effet, les concepteurs prenaient évidemment en compte la composante résistive des condensateurs et selfs qu'ils utilisaient, au moins de manière empirique puisqu'ils achevaient toujours à l'oreille, qui reste irremplaçable, la mise au point de leurs modèles. Changer ces éléments par des modèles actuels revient en fait à modifier les caractéristiques globales du filtre et à détruire l'équilibre sonore obtenu lors de la mise au point de l'enceinte. J'ai eu l'occasion d'écouter assez récemment deux paires de Ditton 66, l'une avec un filtre "amélioré" par modernisation de ses composants, l'autre restaurée, c'est-à-dire remise en état avec des éléments aussi proches que possible des originaux. En quelques mots, et sans l'ombre d'un doute, la première ne sonnait pas du tout comme la seconde, et certainement pas mieux.

Ceci ne signifie évidemment pas que les composants des enceintes "vintage" sont d'une qualité irréprochable ; simplement, que même un changement de condensateur peut aboutir à une modification sensible de l'équilibre sonore. C'est pourquoi je crois fermement que les interventions sur le matériel ancien doivent être respectueuses de la conception des appareils : si vous changez les capacités d'alimentation d'un McIntosh ou d'un Marantz à tubes pour des modèles à la mode, vous courez à l’échec : vous allez dénaturer la restitution de l’appareil. Un vrai travail de restauration ne se confond pas avec de simples modifications et autres "améliorations" plus ou moins aléatoires ; il exige une connaissance réelle du matériel et le respect des règles qui ont présidé à sa conception.

Il en est de même pour les condensateurs des électroniques, notamment les capacités électrochimiques des alimentations d'amplis. Certains bricoleurs par ailleurs bien intentionnés, intoxiqués par cette idée si répandue que "moderne" est synonyme de "meilleur", remplace ces condensateurs par des modèles à la mode et pire encore, augmente la capacité de filtrage totale : sur un ampli à tubes, c'est une recette certaine pour mettre ne danger le transformateur d'alimentation et modifier les constantes de temps ; autrement dit, bousiller littéralement un bel appareil. On ne monte pas un clavecin avec des cordes de piano ; de même, on restaure aussi près que possible de l'original les appareils anciens pour ne pas les dénaturer.

Le cas des électroniques à semi-conducteurs des années 70 et 80 est le plus épineux ; en effet, il s'est fabriqué des milliers de références différentes de transistors (et circuits intégrés) dont beaucoup n'ont pas d'équivalent disponible. Il en résulte que certains appareils transistorisés sont pratiquement impossibles à remettre en état ; heureusement, les transistors ont une très longue durée de vie et hors court-circuit ou défaut d'alimentation, ils ne nécessitent pas d'être remplacés. Mais globalement, j'estime plus risqué d'acquérir un bel ampli transistorisé âgé de 25 ou 30 ans qu'un appareil à tubes de la même époque ; à moins que ce dernier n'utilise des tubes introuvables (ce qui arrive : ex. du bloc Quicksilver monté avec des tétrodes ECG8417, totalement introuvables aujourd'hui), un appareil à tubes est moins difficile à restaurer, ne serait-ce que parce que son circuit ne comporte pas des centaines de composants comme dans nombre d'amplis transistorisés.

Le cas des appareils cités par Naturel, celui des Krell et autres CAT, n'entre pas vraiment dans mon champ d'intérêt (ce qui ne signifie évidemment pas que ces engins sont à ignorer : pas de raccourci de ce genre, please !). Ils ont 10 ou 15 ans, un peu plus pour les Tempest 2 ; je ne pense pas, sauf erreur, que leur éventuelle remise en état soit insurmontable. Par exemple le Tempest emploie une bonne vieille et excellente mécanique Philips que l'on doit encore pouvoir dénicher en cherchant bien ; le tubes de l'étage de sortie sont des modèles toujours fabriqués. Le pire et heureusement très rare accident serait de griller les convertisseurs proprement dit, à coup sûr introuvables et à peu près impossibles à souder sur la carte sans un équipement industriel.

J'ai à nouveau été très long ; veuillez m'en excuser. Merci de m'avoir lu.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Mar 13 Juil 2010 17:02

Votre explication est passionnante. Dans mon souvenir, pas mal de matériel haut de gamme utilisait des composants dit à la norme "militaire". Si je ne me trompe cette norme n'existe plus et pas mal de composants considérés comme polluant ont aussi été retirés de la fabrication, cela vous semble t-il posé un problème insurmontable pour une restauration propre et respectueuse d'une machine ancienne.

En ce qui concerne mon Tempest 2 qui est un lecteur incroyable à mon sens en ce qui concerne la richesse de timbre, les harmoniques et la musicalité, le problème qui vient de m'occuper était en rapport avec l'alimentation. Ce fût aussi l'occasion de vérifier un certain nombre de point faibles éventuels et de faire un "gros entretien". Il devrait revenir à la maison d'ici quelques jours.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Egeswald le Mer 14 Juil 2010 12:21

Bonjour,

En fait ces normes "militaires" concernaient essentiellement les tubes ; en effet, sur les équipements plus nombreux et récents que l'on pense qui en étaient équipés (radars embarqués, transmetteurs...), les responsables des Armées exigeaient évidemment des fabrications dites renforcées, particulièrement résistantes aux vibrations et aux variations de tension d'alimentation. La plus connue est la norme américaine JAN (Joint Army Navy) ; les tubes dont la référence est suivie de ces lettres sont en principe de haute qualité. Ce sont surtout des modèles "petits signaux" car les tubes de puissance les plus répandus en audio (EL84, EL34, KT66, KT88, 6550 etc) n'ont à ma connaissance jamais été utilisés sur des électroniques à usage militaire.

En ce qui concerne les autres composants (résistances, condensateurs, transistors...) il n'y a normalement pas de difficultés insurmontables, sauf comme déjà signalé pour les semi-conducteurs dont beaucoup de références sont totalement introuvables et fréquemment sans véritable équivalent actuel. Heureusement transistors et circuits intégrés ont une très longue durée de vie, sous réserve évidemment d'être implantés et mis en oeuvre de manière judicieuse. Les pannes à répétition bien connus de certains appareils (Musical Fidelity A1 par ex.) sont souvent dues à une conception discutable (dans le cas du A1, refroidissement très insuffisant et alimentation mal dimensionnée) qui met en danger les composants.

Quant à votre Tempest, probablement le premier lecteur CD réellement satisfaisant sur le plan musical, je pense que soigneusement utilisé et entretenu, il est en mesure de fonctionner parfaitement pendant des années encore. J'ai moi-même un (bien plus modeste) lecteur Courtiol "Etude 1" (base Marantz fortement modifiée avec étages de sortie à tubes) acheté neuf en 1992 ; cet appareil fonctionne toujours impeccablement et même les tubes sont d'origine ! Pourtant je puis vous assurer qu'il a pas mal "d'heures de vol", au moins 5000 je pense.

Salutations.
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Re: Faut-il sauver certaines machines ?

Nouveau messagede Naturel le Jeu 15 Juil 2010 09:38

Bonjour,
pour poursuivre ce fil avec une machine, plutôt une paire de machine, qui, selon moi, y a tout à fait sa place, voici les blocs mono Nestorovic Alpha-1, conçu et construit par Nestorovic Labs aux USA vers les années 1985. Full tube de 150W RMS, ces blocs de prêt de 30kg sont efficaces sur les charges complexes. Vers la fin des années 80, je les ai écoutés sur de nombreuses enceintes et ils ont séjournés à la maison où ils drivaient formidablement bien mes Vandersteen 2C avec une musicalité rare, une image superbement réaliste tout en gardant une très excellente dynamique sur ces enceintes qui n'étaient pas réputées pour être d'un rendement exceptionnel. Relativement confidentiel, il me semble que la production de ces blocs n'a pas dépassé une centaine d'exemplaires, mais cette info est à vérifier.

Si je ne me trompe, les Nestorivic ont été conçu par un ingénieure de chez McIntosh, qui ne s'accordait pas avec la décision de la marque, à l'époque, de passer aux amplis à transistors. Cet évènement serait à l'origine de sa décision de créer sa propre marque.

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