Quelques réflexions sur le Melody.
Voilà, nous sommes samedi fin d’après-midi et je replace dans sa protection de tissus, de mousse et de carton le Nagra Melody qui vient de passer quelques jours chez-moi. Evidement, merveilleux moment que cette petite « première mondiale » en toute simplicité à la maison. Moment privilégié, je n’en disconviens pas (même si Moogaddict me le rappel le plus souvent possible…
). Privilège d’accord, mais qui n’a pas que des avantages. Le fait, par exemple, d’écouter une machine qui sort vraiment des ateliers, qui n’a jamais tourné une seconde Qui sort de son emballage plastique destinés à la conserver sous vide et permet un long stockage sans subir d’altérations liée à l’humidité ou à la condensation. Mais évidemment un appareil qui n’est pas du tout rodé. La logique serait de se dire que le rendu ne pourra en être que meilleur après quelques dizaines d’heures d’utilisation.
Quoi qu’il en soit, voilà une machine qui m’a donné diverses envies, la première étant de la conserver. La seconde étant d’écouter de la musique, encore de la musique.
Nagra, c’est évidement, la légende, le design, mais avant tout une manière de penser, de construire des machines. Ce petit Melody, version solid-state du modèle Nagra Jazz faisant appel à la technologie des lampes, fait partie intégrante de cette grande histoire.
Extérieurement, il est identique au Jazz. Très intuitif, tout a fait simple d’utilisation.
Un interrupteur à l’arrière qui le place totalement hors tension et que j’ai pris soins de conserver sur « on » pour laisser une partie des circuits sous tension, et en façade, le sélecteur de sources, qui va de « off » à « E », donc le Melody permet le raccordement de cinq sources. Il ne propose pas d’entrée phono, ce qui exigera de passer par un pré phono pour utiliser ce type de source analogique. Côté sensibilité d’entrée, un commutateur offre le choix entre o ou +12db, ce réglage concerne toute les entrées. Un commutateur « mute », un potentiomètre de balance, un commutateur « mono » ou « stéréo », un autre ajuste l’intensité lumineuse du « vu metre », un commutateur « sortie 1 ou 2 », un réglage de volume, le capteur IR pour la télécommande et nous avons fait le tour de ce qui apparaît en façade.
Les entrées sont des connecteurs RCA et les sorties sont, pour la première en cinch et la seconde en XLR. Dans le cadre de mon écoute, j’ai utilisé mes câbles habituels qui possèdent des fiches cinch. En modulation du MIT CVT pour la liaison entre le Melody et l’ampli Krell KSA 80 et un antique Audioquest entre le lecteur CD et le pré-ampli. Je n’ai réalisé aucun changement sur mon installation, j’ai simplement remplacé mon pré-ampli Krell KRC-2 par le Nagra Melody. Mes enceintes sont des Spendor Sp9/1 et mon lecteur CD, un vintage, le California Audio Lab Tempest II.
Le Nagra Melody peut être alimenté par un bloc d’alimentation 12V disponible en option. Ce ne fut pas mon cas, j’ai utilisé la machine avec son alimentation interne. Je n’ai donc aucune idée de l’avantage ou des différences perçues en faisant appel à l’alimentation externe.
D’emblée, la signature sonore du Nagra apparaît comme différente de mon Krell. Je suis toujours stupéfait de l’importance d’un pré-ampli dans la construction d’une installation. J’ai l’habitude de dire que le pré construit le son et je persiste dans cette affirmation. Même si un système est à considérer dans son ensemble, pour moi, il y a la source, sans elle il n’y a rien à amplifier, ensuite le pré-ampli qui au delà de ses aspects techniques, construit la scène sonore, l’ouverture, la profondeur, positionne les instruments, les place avec justesse. Ensuite, l’ampli qui formera un couple parfait avec les enceintes qui seront choisies en considérant une foule de paramètres.
Il aurait été passionnant de pouvoir comparer le Melody et le Jazz, mais je n’ai pas eu l’occasion d’organiser cela. Une autre fois, peut-être.
Dans le cadre de cette écoute où j’ai intégré le Melody dans mon système, il m’apparaît comme étant très neutre et très linéaire, donc ne favorisant aucune partie du registre. Il est très détaillé sans que j’ai envie de le nommer « chirurgical ». Bien dans la tendance « haute résolution » actuelle, il est résolument moderne. Tout est ciselé, parfaitement dégraissé. L’image est large (plus large qu’avec mon Krell) et profonde. Je ne parlerai pas, ici, d’une écoute holographique prononcée, les enceintes sont aussi à mettre en cause, mais le Melody place parfaitement les musiciens. Il me semble très adapté aux enregistrements actuels sur lesquels il se débrouille très bien pour mettre en évidence les constructions qui sont faites en studio. Dans ce domaine, il va loin, en donnant parfois le sentiment de nous offrir la possibilité de « voir derrière le rideau ». Un peu à la manière d’un spectacle de magie durant lequel il serait possible de voir et comprendre une partie de la mécanique des tours. Sur certains enregistrements il m’a donné ce sentiment de décortiquer, d’expliquer, de laisser sentir comment le « truc » avait été construit. Les enceintes étaient totalement effacées pour placer l’auditeur au cœur de la musique et tout à coup, être rappelé à la réalité par une petite nuance parfaitement placée et détourée en arrière scène. Sur « Le temps passé » de Jonazs, écouté, comme toujours à un niveau déraisonnable, j’ai eu le frisson, la larme à l’œil même, cela faisait longtemps. L’humeur du moment peut-être ?... Le bonheur que nous soyons toujours là malgré cette fin du monde tant annoncée. Qui sait…
Je n’ai pas résisté à la tentation de rebrancher mon Krell tant que j’avais le Nagra dans l’oreille. Le Krell KRC-2 n’est malgré tout pas un pré-ampli bas de gamme. Il est très neutre également. Sur le système du jour, j’ai tendance à préférer le Nagra Melody, à moins que ce ne soit que l’envie de changement. J’apprécie sont côté dégraissé et sa capacité à détourer chaque note avec plus de précision pour finalement offrir une meilleure rythmique à l’ensemble. Les notes, aussi discrètes soient-elles ont un poids, une réelle présence. L’image est un peu plus large et plus profonde et la capacité à placer les instruments avec beaucoup de précision apparaît comme un point fort du Nagra.
J’ai également testé le passage de quelques vinyles, et j’ai pris moins de plaisir. J’avais une gène dans le haut médium qui m’apparaissait comme légèrement bouché. J’ai renouvelé l’expérience avec plusieurs disques, tant anciens que récents et la sensation persistait. J’ai un doute sur le fait que le niveau de sortie de mon pré-phono s’accorde parfaitement avec le Nagra. Incompatibilité entre les niveaux, rodage... ? A approfondir.
Voilà, ces quelques réflexions me viennent à chaud et n’engage que ma sensibilité lors de cette écoute.
Malheureusement, le temps me manque et je dois déjà restituer la petite machine.
Merci de m'avoir lu.
Dans toute chose il y a une faille.
C'est ainsi qu'entre la lumière.
Leonard Cohen