Bonjour,
Suite à la lecture des mémoires de Keith Richards (dont je parle dans la rubrique livre), certains points de son propos me semblent intéressants à partager ici dans le but d'échanges sur nos idées et conceptions sur les modes de prise de son.
Dire que les technologies et les manières de faire ont évoluées est sans aucun doute d'une banalité extrême, mais se poser la question de savoir si cela avait eu un effet positif sur la qualité des productions musicales est un tout autre débat. A l'époque ou un studio de 24 pistes ne fait vraiment plus sérieux et où la retouche et l'overdumbing sont le minimum possible pour structurer une plage musicale, il semble intéressant de se demander si c'est vraiment la seule manière de construire de la musique. Le fait de voir de plus en plus de groupes revenir à un enregistrement réalisé en prise d'ensemble est peut-être un embryon de réponse.
Pour illustrer un peu mon propos, je vous cite un passage des mémoires "Life" de Keith Richards.
"Juste après "Exile on Main Street", la technologie a fait de tels bonds en avant que même les ingénieurs du son les plus balèzes n'ont pas compris ce qui leur arrivait. "Comment se fait-il que j'ai eu une super sonorité de batterie au Regent Sound Studio, avec ses boîtes à œufs et un seul micro, et maintenant, avec quinze micros dans tous les coins, le son de la batterie me fait penser à quelqu'un en train de chier sur de la tôle ondulée ?" Tout le monde s'est laissé emballer par la technologie, et tout le monde commence lentement à en revenir. En musique classique, on ré-enregistre tout ce qui a été numérisé dans les années 1980-90, parce que le résultat n'était simplement pas à la hauteur. J'ai toujours eu l'impression qu'au fond de moi même je rejetais la technologie, qu'elle ne m'aidait pas du tout, bien au contraire. C'est à cause de ça qu'il fallait tant de temps pour faire aboutir un projet.Fraboni connait bien le problème, l'idée que si tu ne braque pas quinze micros sur une batterie, c'est que tu ne connais pas ton boulot... Ouaih, mais alors on étouffe la basse et en fin de compte, chacun se retrouve enfermé dans son petit box, on joue dans une salle immense et on en profite pas du tout. Cette idée qu'il faut séparer les instruments lors de la prise de son est l'anti-thèse complète du rock and roll. Le rock and roll, c'est une bande de type qui produisent du son dans un lieu clos, un son qu'il suffit de capturer. Et c'est ce son qu'ils font ensemble qui compte, pas les son individuels. Tout ces mythes stupides à propos de la stéréo, de la hi-tech et du Dolby, tout ça va totalement à l'encontre de ce qu'est la musique.
Personne n'avait les couilles de démonter le système technologique, mais moi, j'ai commencé à y réfléchir : qu'est ce qui l'avait amené à consacrer ma vie à la musique ? Des types qui avaient enregistrés dans une pièce avec trois micros. Ils n'avaient pas cherché à capter le moindre petit bout de batterie ou de basse. Ce qu'ils avaient enregistré, c'était l'espace dans lequel ils jouaient. On ne peu pas obtenir cette ambiance indéfinissable en découpant les choses en tranches. Où est le micro spécial qui chopera l'enthousiasme, l'état d'esprit, l'âme, ou comme vous voudrez l'appeler ? Les disques des années 1980 auraient pu être bien meilleurs si on s'était d'avantage préoccupé de ça, au lieu de laisser la technologie nous mener par le bout du nez."
Dans son ouvrage, Keith confie que son magnéto préféré est un quatre pistes...